Au Royaume-Uni, des fêtes du ramadan ternies par la crise

Publié le 05/04/2023
AFP

Derrière une vitrine remplies d'alléchantes sucreries, l'épicerie Rajmahal Sweets, située sur Brick Lane, dans l'est de Londres, reste inhabituellement vide en cette période du ramadan, symptôme des difficultés rencontrées par de nombreuses familles pendant la crise économique.Depuis son comptoir, Ali, 45 ans, qui ne veut pas donner son nom de famille, a remarqué que les clients dépensent moins cette année en produits superflus comme les sucreries, dans un pays qui se débat depuis des mois avec une inflation supérieure à 10%."

L'activité est pénalisée. Les gens n'ont pas d'argent à cause de cette crise", regrette le commerçant, dont la boutique est située au coeur de ce quartier populaire où vit une importante communauté bangladaise.Habituellement, le ramadan - marqué par un jeûne en journée, rompu au coucher du soleil par un dîner souvent copieux baptisé iftar - est une période faste pour les commerces vendant des produits prisés des musulmans.L'Angleterre et le pays de Galles comptent près de 4 millions de musulmans, et presque 40% d'entre eux vivent dans les zones les plus défavorisées du pays, selon des données publiées l'an dernier.Un client qui achète normalement "deux à trois kilos" de zlabia, une confiserie frite, ou de loukoums, une sucrerie moelleuse d'origine turque, n'en achète "que 500 grammes" cette année, constate Ali.Dans la même rue, Jamal Khalique, 51 ans et copropriétaire de l'épicerie Taj, a dû augmenter ses prix face à l'inflation."Cela rend les choses encore plus difficiles pour les gens qui souffrent déjà de la hausse des prix", reconnaît-il.

De plus en plus, les gens "achètent ce dont ils ont besoin, l'essentiel, mais pas de choses superflues comme ils le faisaient d'habitude", dit-il."Avant, avec 20 livres, on pouvait acheter tout ce dont on avait besoin, mais c'est très cher maintenant", constate Huzana Begum, 27 ans, en parcourant les rayons du magasin Zaman Brothers, boîtes d'épices à la main.Elle a essayé de réduire ses dépenses alimentaires, mais c'est impossible pendant le ramadan, durant lequel elle doit recevoir et cuisiner pour toute sa famille, comme le veut la tradition."Mon mari et moi, nous économisons tous les mois sur nos salaires, mais ce mois-ci, nous ne pourrons pas", dit-elle.Vu l'inflation élevée, particulièrement pour l'alimentation et l'énergie, de nombreuses personnes n'ont plus d'autre choix que d'aller dans les banques alimentaires.Selon un sondage publié en novembre par Muslim Census, organisme de données sur les musulmans au Royaume-Uni, 19% des Britanniques musulmans ont eu recours à une banque alimentaire l'an dernier.

"C'est choquant de voir à quel point les gens deviennent dépendants des banques alimentaires", s'indigne Sahirah Javaid, de Muslim Hands, une association caritative musulmane."A cause de la pauvreté alimentaire, des musulmans ne peuvent pas rompre le jeûne avec leur communauté", ajoute-t-elle.Les commerces indépendants, de leur côté, subissent aussi la concurrence des enseignes de supermarchés à bas prix qui multiplient les offres pendant le ramadan pour attirer les clients musulmans."Ils peuvent se permettre de baisser leurs prix, pas nous, dont évidemment ils attirent les consommateurs", s'inquiète Jamal Khalique."Je travaille dans l'affaire familiale depuis 34 ans et je n'ai jamais traversé de difficultés avant, mais maintenant oui", ajoute-t-il. "Si ça dure, Dieu seul sait si nous pourrons continuer".