Le synode sur l'avenir de l'Eglise entre espoir d'ouverture et inquiétudes conservatrices

Publié le 04/10/2023
AFP


Accueil des personnes LGBT+ et des divorcés, place des femmes: le Synode des évêques, symposium mondial sur l'avenir de l'Eglise catholique, s'ouvre mercredi au Vatican entre fortes attentes d'ouverture et inquiétude des conservateurs qui craignent un dévoiement de la doctrine.

Fruit d'une consultation des catholiques du monde entier pendant deux ans, cette réflexion de fond sur des thèmes sensibles, comme l'ordination des hommes mariés ou la lutte contre la pédocriminalité, est inédite dans l'histoire récente de l'Eglise, au point de voir ce rassemblement historique qualifié de "mini-concile".

Dès la messe d'ouverture mercredi matin, le pape François a donné le ton, appelant à une Eglise "hospitalière" aux portes "ouvertes à tous", et rappelant que le Synode n'était pas un lieu de "stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques".

Jusqu'au 29 octobre, 365 membres de tous les continents ayant le droit de vote et une centaine d'experts débattront chaque jour à huis clos pour livrer des propositions au souverain pontife, qui aura toutefois le dernier mot sur leur éventuelle mise en œuvre.

Avant même l'ouverture des travaux, le camp conservateur n'a pas hésité à monter au créneau: cinq cardinaux originaires d'Amérique, d'Afrique, d'Asie et d'Europe ont publiquement demandé au pape de réaffirmer la doctrine catholique sur les couples gays et l'ordination des femmes.

Cette interpellation, intitulée "Doutes" et assortie d'une lettre ouverte aux fidèles face au risque de "confusion" et d'"erreur", s'inscrit dans une série de critiques voyant dans ce synode un risque d'aliénation et de perte de repères.

Dans sa réponse, le jésuite argentin semble ouvrir la voie à la bénédiction des couples de même sexe par des clercs, jusqu'ici non reconnue par le Saint-Siège mais pratiquée dans certains pays comme la Belgique.

Si le mariage demeure "une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme", "nous ne pouvons pas être des juges qui ne font que nier, rejeter, exclure", a écrit François.

- "Pas un Parlement" -

Ce rassemblement s'est ouvert mercredi par une messe place Saint-Pierre devant environ 20.000 fidèles. Face aux "attentes", "espoirs" et aux "quelques craintes", François a rappelé que ce synode n'était "pas un Parlement" ni un "plan de réformes".

Jorge Bergoglio a aussi mis en garde contre "certaines tentations dangereuses: être une Église rigide, qui s'arme contre le monde et regarde en arrière; être une Église tiède, qui se soumet aux modes du monde; être une Église fatiguée, repliée sur elle-même".

Dans son discours d'ouverture salle Paul VI dans l'après-midi, il a alerté sur les "maladies" de l'Eglise, "la mondanité spirituelle", la "calomnie" et le "bavardage", devant l'ensemble des participants, assis autour de tables rondes devant des tablettes tactiles qui leur permettront de voter.

Depuis son élection en 2013, l'évêque de Rome s'est attelé à réformer la gouvernance de l'Eglise, qu'il souhaite moins pyramidale et plus proche des fidèles, quitte à susciter de fortes résistances internes.

Principale nouveauté pour cette 16e édition d'une institution consultative créée par Paul VI en 1965, des laïcs et une cinquantaine de femmes pourront voter, une première qualifiée de "révolution".

"On a mis le doigt dans un engrenage, le prochain synode ne pourra plus reculer", se réjouit-il. "En ce sens, François fait bouger les lignes, c'est pourquoi beaucoup ont peur", explique à l'AFP un observateur avisé du Saint-Siège, sous couvert de l'anonymat.

Car si cette assemblée plénière sera suivie d'une seconde session en octobre 2024, rendant moins probable un résultat concret à court terme, les attentes restent fortes.

Un document préparatoire publié par le Vatican a ainsi relevé une préoccupation "unanime" des catholiques concernant le rôle des femmes, mais aussi des "mesures concrètes pour atteindre les personnes qui se sentent exclues de l'Eglise en raison de leur affectivité et de leur sexualité".

Les consultations ont mis en exergue des visions divergentes parfois éloignées de celles du Vatican, notamment entre les Eglises allemande et américaine, allant jusqu'à faire craindre un schisme au sein de l'Eglise catholique et de son 1,3 milliard de fidèles.

Signe de la sensibilité du sujet, le Vatican a décidé de limiter la communication sur le contenu des débats, tranchant avec la transparence exigée dans les phases précédentes.

Tout en saluant le travail des journalistes, le pape a d'ailleurs appelé à un "jeûne de la parole publique". "Avant de parler, il faut donner la priorité à l'écoute", a-t-il défendu.